Quelques textes-souvenirs écrits par Pierre Ramognino dit Pierrot

pour ses enfants et pour le site

Arzew, mon village...là-bas...

 

Pourquoi Arzew avec un W
La baie
La pêche à Arzew (1)
La pêche à Arzew (2)
Le port
Les personnalités
Les habitants
Le plan d'Arzew

Un texte de Jean-Pierre Badia

sur le Tremblement de terre de 1912


Pourquoi Arzew avec un W

Arzew, avant d'être notre Arzew, a vu passer nombre de peuples marins méditerranéens dont les Romains de l'empire qui l'appelaient Portus Magnus, le Grand Port; les Turcs, pirates, soldats ou commerçants et les Français, qui firent de l'ERZIOU arabe ARZEU. Pourquoi alors le W de l'orthographe que nous connaissons ? A R Z E W...

Voici une explication: Arzew était le terminus de la ligne, de chemin de fer (CFA) Oran-Colomb-Béchar qui traverse les hauts Plateaux Algériens, terre d'élection de l'alfa, une graminée. L'alfa, matière première du papier de même nom, papier de luxe, uniquement fabriqué en Angleterre.

ARZEW était le port de l'Alfa, venu en vrac par le train, et qui était pressé en bottes d'un quintal par des ouvriers espagnols spécialisés. Ces bottes d'abord rangées en blocs pyramidaux, sur les terre-pleins du port ou dans le creux de la carrière du cimetière, étaient chargées le moment venu, sur les bateaux charbonniers anglais dont ils constituaient le frêt de retour. Ces bateaux à l'aller avaient distribué le charbon des mines anglaises à Gibraltar, Oran, Alger, Bizerte, Tripoli, Le Caire et retour à vide ou presque jusqu'à ARZEW. C'était le temps des moteurs à vapeur. Les Anglais avaient des représentants commerciaux à Arzew et c'est sans doute eux qui entendant les autochtones parler d'ERZIOU ont remplacé le "U" par le "W" qui se prononce IOU dans leur langue et comme cela ne dérangeait personne même pas l'administration française, Arzeu s'est écrit Arzew.

Une petite singularité dans le nom de notre petite ville, ce n'est pas plus mal et cela est très sympathique. Nos compatriotes métropolitains ne savent pas lire ARZEW avec ce W...Nous oui !

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La baie d'Arzew

Nous étions petits et grands, de fervents amoureux de la Grande Bleue qui nous avait concédé, à nous Arzewiens, notre plagette, les grandes plages du Fort du Sud, de Damesne et de Saint-Leu et la belle côte rocheuse, au-delà de notre cimetière avec la "Fontaine des Gazelles et la "Cova Rodja" (la grotte rouge)

De Port Say à la frontière marocaine jusqu'à Stora ou La Calle proches de la Tunisie, il n'est pas de baie aussi belle que la Baie d'Arzew, avec une ouverture sur le large de plus de 50 milles marins.

Lisons ce qu'en disait le Docteur en Pharmacie S. SANTA dans son mémoire de 1961 intitulé: "Les poissons et les mondes marins des côtes de l'Oranie"

Avec le Cap Carbon commence la grande baie d'Arzew qualifiée parfois de golfe. Ce dernier terme pratiquement inutilisé dans nos régions montre l'importance d'une région côtière qui mérite l'étude quelque peu détaillée à laquelle nous allons nous livrer.

Entre le Cap Carbon et le Cap Ivi , la baie s'ouvre au Nord sur 72 Km et la flèche est de 30 km. Du Cap Carbon à Arzew le "Sahel" (le littoral et son relief) plonge dans l'eau et rend cette zone assez rude. Seule la plage du BOLITCHE est à retenir (plage de la Cova Rodja), plage neuve (pladja Nova), Pladja d'Arzeou veil). A partir d'Arzew nous voici sur sables. Ceux-ci vont s'étendre de façon continue sur 13 km. Une zone rocheuse occupe ensuite les 3,5 km qui nous séparent du petit port de Port aux Poules (Mers el Hadjaz).

De Port-aux-Poules jusqu'au Marabout de Sidi Mansour, la plage de la Macta reprend ses droits dans une légère invagination côtière longue de 3 km. Ensuite la côte remonte petit à petit sur le Nord, va présenter des alternances littorales sablonneuses et rocheuses jusqu'à la pointe de la Salamandre qui précède le Port de Mostaganem. Citons sur ce parcours la petite plage de la Stidia, de son nom arabe, Georges Clemenceau, de son nom français.

Enfin entre la pointe de Karouba et le Cap Ivi, en passant par l'embouchure du Chéliff, la côte est jalonnée tantôt par des plages tantôt par des roches peu élevées.

Mais avec La Salamandre, Mostaganem, Ouillis, Bosquet, Lapasset et le Cap Ivi nous ne sommes plus chez nous et il nous faudra, nous Arzewiens, revenir sur notre baie, pour comprendre pourquoi elle fut l'âme de notre vie et celle de notre beau village.

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La pêche à Arzew (1)

La richesse des fonds marins de la baie d'Arzew a permis aux gens de mer de pratiquer toutes sortes de pêches, avec filets traînants, filets flottants, palangres, lignes de fond, nasses etc...

A chacun de ces engins correspondait une spécialité marine et des prises de poissons différents, avec des bateaux et des engins appropriés.

On a ainsi connu les chalutiers et, juste avant, les "pareilles", naviguant à deux pour traîner l'engin de fond connu sous le nom de filet-bœuf, au prix de prouesses "voilières" inouïes.

Ensuite pour la même pêche, un seul chalutier traînant le même filet-bœuf grâce à des panneaux de fond dont l'orientation particulière permettait au filet de rester ouvert pendant la traîne. Les derniers maîtres de ces bateaux ont été les frères Angelotti et les Ferrer-Boronad (El LLout).

Cette pêche au chalut était très contestée par les petits pêcheurs et les écologistes de l'époque en raison de la destruction des fonds marins et la prise trop abondante de poissons immatures par suite d'un maillage trop serré des filets.

De la même famille que ces filets traînants, deux autres filets semi-traînants plus fragiles et moins destructeurs sont le TARTANON (petite SENNE) dont les ailes ne dépassent guère 12 ou 13 mètres (5 ou 6 brasses) un métier d'appoint et le BOLITCHE ou SENNE, RISSOLE en Italien.

Pour les pêcheurs le "BOLITCHE" était "l'Arte Real " (l'art royal), l'ancêtre des filets puisque Saint Pierre, quand il n'était que Simon le pêcheur, s'en servait déjà dans le Lac Tibériade et la légende dit que cette pêche fut l'occasion pour Pierre-Simon de se montrer un jour très ingrat envers Jésus. Et pour les siècles des siècles, le poisson "Saint Pierre" restera le témoin de cette ingratitude.

Cet engin a été introduit en Oranie et à Arzew vers 1852, depuis Gênes, qui n'était pas encore italienne, par Giuseppe Ramognino, fondateur de la lignée du même nom et époux de Maddalena Guastavino.

Le dernier BOLITCHE de cette famille a été vendu en 1961 à un pêcheur algérien par les arrière-petits fils de Giuseppe, Pierrot et Jeannot de la 4ème génération des Ramognino d'Algérie.

Il est d'autres filets, dits "filets flottants" parce qu'ils sont toujours maintenus par des flotteurs de liège au-dessus du fond. Les uns sont fixes et les autres dérivants. Ce sont le SARDINAL, les bonitières, les filets à thons que l'on pêchait "à l'éclair" que lançaient les bancs de bonites, de bachorètes, de thons bleus ou de thons dans la nuit profonde. C'était la pêche 'AL LLAMP" (à la lumière). Les spécialistes arzewiens furent Juanico Lucien Lubrano et les Fiorentino.

Autres filets flottants : le LAMPARO et le RING-NET pour la pêche au feu, à la lumière et la MADRAGUE du Phare d'Arzew, filet fixe à grand rendement. Pêche déjà industrielle de la famille Lubrano-Rapentis apparentés à la famille Diacono. Les Lubrano San Tomas pêchaient eux au TREMAIL, déformation de "Trois mailles".

De nombreux pêcheurs utilisaient des PALANGRES ou des NASSES et des générations entières de pêcheurs d'Arzew ont ainsi vécu de la mer qui jamais ne les abandonna. L'un d'entre eux, Jaime Sau, dont le surnom était "Caoutchouc" tellement il était grand, souple, élancé, était le spécialiste jalousé, des prises de langoustes. Personne d'autre que lui, ne connaissait le "coin" aux langoustes dans la mer profonde et Caoutchouc est parti dans l'autre monde sans avoir révélé son secret à qui que ce soit. Et les langoustes arzewiennes attendent un autre pêcheur de la classe de...Caoutchouc.

Arzew a vécu de la mer, par la mer et pour la mer. Sa population de base, la plus nombreuse étaient ces pêcheurs et marins, espagnols et italiens, quelques descendants de métropolitains dont M.Lepée, le scaphandrier chargé de veiller au bon état des parties immergées de nos quais où s'amarraient les embarcations de pêcheurs: le 2ème quai où le poisson pêché dans la journée était vendu à la criée par les mareyeurs: le 3 ème quai ou quai de l'alfa et de tout le frêt reçu de France ou expédié en France et enfin la jetée chargée de protéger le port et la plagette des vents dominants du Nord-Ouest.

Vue générale du port avec le DUQUESNE amarré à la jetée dite de l'ABATTOIR.

Sur les pêcheurs, leur origine, leur organisation sociale on a beaucoup parlé et quelquefois écrit. Et pas toujours pour leur rendre justice, sans référence à la dureté de leur vie, aux dangers encourus et à leur vaillance, à leur esprit d'entraide au moment du danger et à leurs différences, quelquefois antagonistes, suivant le métier pratiqué.

Et nos pères, grands-pères, et arrière grands-pères ont eu à subir par exemple les "jugements" d'un certain Monsieur A. Gruel, Professeur au Muséum national d'Histoire naturelle et par ailleurs, conseiller technique au ministères des Colonies.

Citons :" La diversité des races et d'origines des pêcheurs n'est pas faite pour développer la pêche et surtout la moderniser et l'industrialiser... Le malheur c'est que les parents ne tiennent pas suffisamment leurs enfants et ne semblent avoir sur eux aucune autorité, les laissant vagabonder et prendre de mauvais instincts dans la rue et ailleurs...

J'ai pu me convaincre, que sauf exceptions heureuses, où l'on trouve des hommes travailleurs, sobres, aimant leur métier, beaucoup trop de pêcheurs sont paresseux et noceurs. Dès qu'ils ont vendu un peu de poisson, ils ne font plus rien, courent de cabaret en cabaret et dans certains établissements que la police tolère mais que la morale réprouve, sans souci du lendemain, vivant au jour le jour et cherchant à vendre leur marchandise le plus cher possible pour gagner davantage en travaillant moins...

Tandis que les colons, en grande partie français, représentant une élite instruite et énergique capable d'une adaptation rapide, ont créé de toutes pièces une agriculture plus scientifique que celle de la Métropole, les premiers colons maritimes, produits exclusifs de l'immigration étrangère venaient s'établir en Algérie en apportant leurs méthodes millénaires et sans avenir...Ces premiers colons maritimes proviennent de la partie la plus misérable, la plus arriérée, la plus illettrée, la moins perfectible et par conséquent la plèbe maritime de l'Espagne et de l'Italie...C'étaient de vrais déchets sociaux. La loi de 1885 qui fit de ces sortes de parias, des citoyens français, n'a malheureusement pas changé grand chose à leur mentalité."

Mais oui, cela a été écrit et pensé.

La France heureusement a envoyé en Algérie, d'autres de ses fils, instituteurs, prêtres, ingénieurs, fonctionnaires, paysans, qui firent de l'Algérie la perle de l'Empire, sans doute aucun, mais surtout une terre fraternelle et féconde. La petite ville d'Arzew, véritable pays du "matin calme" est l'exemple-type, de ce que la France Républicaine a pu construire de beau et de grand dans le monde: une société de paix, de liberté, d'égalité et de fraternité, comme on le voit sur cette photo.

 

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La pêche à Arzew (2)

La pêche est l'activité essentielle parce que vitale. Nous avons évoqué ci-dessus, les embarcations et les engins utilisés. Le poisson pris dans la journée, dans la nuit, ou à l'aube (alba) était acheté par les mareyeurs à la "criée" suivant la bonne règle: acheter le meilleur marché possible et revendre le plus cher possible.

Mais ne voyons ici que l'aspect pittoresque de cette criée. Pêcheurs en tenue de travail, magnifiques de prestance, de dignité, mareyeurs et la foule des curieux, le cri monotone des prix du poisson mis aux enchères, c'était de 16 heures à 18 heures un spectacle d'une vie exceptionnelle qui attirait chaque jour un immense public.

Quels étaient les poissons mis aux enchères à la criée d'Arzew ? Bien sûr le meilleur de toute la Méditerranée. Bien sûr, c'était aussi ce que disaient les pêcheurs d'Oran, de Beni-Saf, de Mostaganem...Oui..., mais nous nous ne mentions pas. C'était la vérité !

Poissons pêchés par les filets flottants: le poisson dit "bleu"

sardines (sardinas) , allaches (allaches), maquereaux (cavailles), melvas (melvas), bonites (bonitos), bacorètes, thons gris (tonines) Espadons (pèch d'Espa, poisson épée) . Noms des spécialistes de ce type de pêche: Lubrano et alliés aux Toscanini, Diacono, Fiorentino...

Poissons pêchés par les bolitches et chalutiers

Tout le "poisson bon" autrement dit le poisson noble: rougets, vives-vipères et leur dard venimeux, rascasses et turbots, Saint Pierre et balistes et leur vilain nom (Khaputa)"fils de p...".

Poissons plus courants :

les djérets (nom français inconnu) mais le meilleur poisson à griller et le meilleur poisson pour la soupe de poisson; poulpes, calmars, seiches.

Noms des spécialistes de ce type de pêche: Giuseppe Ramognino, initiateur du premier bolitche, engin venu tout droit de la Riviera italienne et plus précisément du golfe de Gênes et du petit port de Varazze, le second Giuseppe, ses fils et petits-fils, Pierre, Benoît, Emmanuel, puis ses arrière-petits fils Pépet, Pierrot, Jeannot continueront la tradition mais cette 4 ème génération abandonnera la pêche pour exercer les métiers de cheminot, instituteur, douanier... Autres familles "bolitchères" les Perrello (Frasquito), les " Motril", le père puis ses enfants Pepico et Manolo et enfin Eduardo, tous marins très rudes, droits, courageux, très susceptibles et rigoureusement attachés aux règles élaborées pour éviter les "néfras", ou violentes bagarres pour les tours de pêche.

Pour les chalutiers, citons les noms des Boronad, d'El Mellat (le sans dent), les Angelotti.. C'était les riches de la pêche, très durs dans le combat social. Mais c'est que leur vie était très dure aussi, compliquée et difficile. Mais ils étaient aussi du clan des "Blancs" et leur équipage du clan des "Rouges" et les chocs étaient inévitables.

Ainsi allait la vie !!

Leurs prises ? souvent merveilleuses, les rougets, les soles, noires ou blondes, les turbots, les saint-Pierre et par casiers entiers, 40, 50, 70 casiers de 10 ou 12 kilos chacun. Ceci entraînait l'interdiction de pêcher au bolitche et au chalut du 1er Juillet au 15 septembre.

Mais les poissons très beaux, mérous, abadèches, liches, golfars, langoustes et homards étaient le lot des méticuleux du palangre, de la ligne de fond, de la nasse, les Lubrano (Balandro), les Caldero, dont Jean François Sanchez (Juanico), champion de France du 400 mètres nage libre, les Barcelo, les García "Botifara". Cette dernière famille vit une épouse accompagner son mari en mer et en "pantalon" pour naviguer. Il fallait un certain courage pour affronter les interdits. Ils l'eurent.

La population des pêcheurs était une population turbulente, aux oppositions violentes dans le même métier ou dans des métiers différents mais toujours unies dans les circonstances graves de la vie ou les conflits sociaux ou face à l'administration. Ceux des nôtres qui descendent de ces familles de pêcheurs, n'est-ce pas Pierre, Matthieu, Norbert, Elisabeth sont particulièrement fiers de leurs ascendants et c'est pour eux que nous avons tenu à rappeler leur vie. Ils revivent ainsi.

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Le port

 

Nous avons déjà dit le rôle du 2 ème quai, lieu de la vente de poisson à la criée. Le 3 ème môle plus étendu était le quai des marchandises permettant à 3 ou 4 cargos de s'amarrer. Les terre-pleins de stockage des marchandises étaient vastes pour le vrac, l'alfa, le sel, le ciment et les colis venant de la métropole ou y partant ou bien pour l'Angleterre, l'Espagne ou l'Italie.

L'alfa: En tonnage la marchandise la plus importante du port c'était l'alfa exporté qui provenait des Hauts Plateaux algériens. Il arrivait par wagons entiers sous forme de bottes d'une centaine de kilos. Les dockers d'Arzew pouvaient, avec un seul crochet pour manipuler ces bottes, et en deux jours et demi ou trois jours, charger les cargos anglais de 8, 9 ou 10000 tonnes. Ces dockers tous arabes n'ont perçu qu'en 1936 les avantages de leurs camarades métropolitains.

Le sel: La deuxième marchandise en tonnage, le sel, récolté dans les salines d'Arzew Saint-Leu à une dizaine de km du Centre-Ville. Les marocains, employés pour cette récolte étaient considérés comme des agriculteurs puisqu'il y avait récolte, et payés comme tels. Ce sel stocké sur le quai était chargé d'abord à la pelle et les équipes étaient nombreuses puis fut utilisé un tapis roulant qui déversait directement dans les cales des bateaux à destination des usines chimiques des Bouches du Rhône, Fos, Port de Bouc, Étang de Berre...

Marchandises diverses:

Tuiles de Marseille, ciment, et tout-venant. Les tuiles de Marseille nécessitaient pour leur débarquement un personnel nombreux. Les dockers ne suffisant pas, des jeunes et nombre d'étudiants désargentés à la veille des fêtes d'Arzew, se faisaient embaucher pour la durée du déchargement. Ils terminaient la journée, rouges de la poussière des tuiles et pour s'en débarrasser, l'eau manquant dans la plupart des appartements, ils plongeaient dans les eaux du port pour des jeux de détente. Nous sortions de l'eau, beaux comme des milords, ayant gagné pour la journée ...45 sous. Le petit cargo à tuiles portait le joli nom de S/S Georges Henri.

Le ciment était réservé aux professionnels. Les sacs déchargés pesaient lourd et blessaient cruellement les épaules des dockers qui avaient tout de même droit à des soins et à un demi-salaire pendant une dizaine de jours. Cela s'appelait avec les autres blessures toujours possibles "taper le macadam".

Pour ordonner ces travaux de quai, il y avait des spécialistes hautement qualifiés :

Les acconniers d'abord pour le compte desquels les dockers travaillaient dans des conditions souvent conflictuelles. C'étaient MM Jules et Edmond Tournut et Solvès. Puis ce fut toujours M.Solvès et l'héritier des Tournut, Marc Tournut, qui devint un moment maire d'Arzew, mairie conquise sur la gauche conduite par Pierre Ramognino, instituteur, secrétaire de l'Union locale des Syndicats CGT.

Les pilotes du Port, MM André Pisibon et Samani qui aidés par leur vedette faisaient entrer et sortir dans et du port et manœuvrer dans le port tous les cargos qui faisaient ainsi la vie de la cité.

Les "Shipchlanders" dont les Dubus. fournisseurs d'avitaillement pour les navires marchands.

Autres activités industrielles:

Pétrole et essence apportés par mer depuis Fos étaient conditionnés en bidons de 5 litres pour le pétrole dans 5 usines pétro-chimiques. Le soufre, venu brut depuis Naples (Le Vésuve) était transformé en fleur de soufre dans l'usine du Fort du Sud et revendue ensuite aux propriétaires terriens pour la désinfection des pieds de vigne. La fleur de soufre, produit pur, était mélangée aussi au miel pour soigner les maux de gorge des enfants.

Voilà rapidement évoquées les activités d'un petit village, d'une petite ville, Arzew, pleine de vie, de vitalité et de dynamisme dont chaque Arzewien peut être fier et nous le sommes.

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Les personnalités

 Les Politiques:

Le premier maire civil, après les administrateurs militaires fut M.Grégoire, élu en 1898 et aïeul de la famille du pharmacien du village, Roland Villot.Parlant le français, sa langue maternelle et le valencien, M.Grégoire passa beaucoup de temps à essayer de convaincre ses concitoyens étrangers de faire leur demande de naturalisation. En effet, nombre d'Européens, les Espagnols surtout, ne souhaitaient pas toujours se naturaliser. Les natifs de la Péninsule italienne, Génois, Vénitiens, Napolitains de Naples ou des Iles Ischia ou Procida, les Florentins, les Parmesans et ceux d'après, furent naturalisés en bloc pour le jour anniversaire du premier centenaire de la Révolution française en 1889, sous peine d'interdiction de pêche sur les côtes françaises d'Algérie.. Les demandes de naturalisation des Espagnols demeurèrent individuelles. Les fils de ces naturalisés furent automatiquement français.

L'un des plus difficiles à convaincre et qui finalement ne se laissa pas convaincre fut Djouan Ferrer qui né à Calpe (Levant espagnol) vint à Arzew dans les bras de sa mère y vécut une vie entière et y fut enterré.Sa réponse à M.Grégoire qui lui disait "Djouanet (Petit Jean) "fété francès" (Fais-toi français) fut toujours "No vuiq ferme francès" (Je ne veux pas me faire français).

Le père de ce Juan Ferrer vint à Arzew (entre 1845-1850) avec une manade d'ânes d'Espagne, plus grands que nos baudets, ânes superbement harnachés à la manière arabo-andalouse et travailla pour le compte du Génie militaire français à l'édification du Pavillon des Officiers, du mur d'enceinte de la ville, du Fort du Sud et du Fort du Nord. Son fils lui succéda. Jean Ferrer est l'aïeul maternel des Ramognino d'Arzew. Apès M.Grégoire il y en eut d'autres ce furent:.

en 1919, Jules Tournut, père

en 1925, Maître Henri Jeamot, notaire

en 1941, Maire par délégation spéciale de Vichy, Edmond Tournut puis le Docteur Jean Miquel-Maillé

en 1943, Maitre Paul Denis, Notaire par délégation du général Giraud fut récusé par "la France combattante" d'Arzew, animée par P. Ramognino et remplacé par Victor Chabert, par délégation du Général de Gaulle.

en 1945, Felix Rudel, acconnier, après élections normales.

en 1950 Marc Tournut fils d'Edmond

Les premiers maires, Grégoire,Olivier, Testud, Chasseloup-Laubat, Valois et Suzzarini avaient été désignés ou élus en leur qualité de notables, sachant lire et écrire et surtout venant de France. Le dernier maire, Me Henri Jeamot, radical socialiste, fut le dernier notable élu. Il exerça son mandat pendant plus de 20 ou 25 ans. Il fut aidé dans sa tâche par son premier adjoint, Mr Edmond Tournut et par le Docteur Miquel-Maillé, un grand et honnête homme, qui décéda pauvre après avoir soigné tout Arzew et avoir mis au monde, aidé en cela par Madame Guigne, sage-femme, la presque totalité des petits hommes et petites femmes de notre ville. Autres adjoints de Me Jammot: Archange Favorito et M.Guigne.

A partir des années 30 et après la guerre 39-40, la politique ne sera plus exercée par les seuls notables mais par des citoyens engagés politiquement PC, PS, PPF de Jacques Doriot, transfuge communiste, le PSF du Colonel de la Roque etc...

Après la deuxième guerre mondiale, les joutes politiques se déroulèrent entre les forces de gauche et celle d'une droite "civilisée" c'est à dire non fasciste ni nazie. La gauche reste au pouvoir une dizaine d'années, son leader étant Pierre Ramognino, instituteur, socialiste et syndicaliste. Marc Tournut, acconnier, représenta le courant conservateur et il exercera le dernier mandat électif comme maire jusqu'en 1962. Les luttes politiques d'Arzew furent très dures mais cependant sympathiques et pleines de générosité.

Autres personnalités:

Directeurs ou Directrices d'école: MM Ros, Chabert, Fermier, Mesdames Cantraud, Marfaing, les instituteurs, MM Gély, Nègre, Victoria, Mr et Mme Gouragne, Roca Georges, Alex Guenoun, Patoureaux etc...

Entrepreneurs et Commerçants: M.Ribaga et ses enfants, Charles et Camille (Maçonnerie). M.Bordes (Tuiles et briques), Micalet Diaz (fournitures marines). Un des maîtres en sciences des pêches, Pierre Soler, Perret el Rodj (Pierre le Rouquin)pour ses amis, Pierre Albentosa (électricité), Gaby Perretti (Libraire), Marchado et Angellotti (Autobus), Amsallem, Laurent, Scotto, Rivero, Roquet, propriétaires de café-bars, ainsi que Mme Ripoll avec ses filles Germaine et Yvette. Une mention spéciale pour notre facteur, M.Hamri, toujours si serviable.

Syndicalistes: Pierre Ramognino, secrétaire fondateur de l'Union locale des Syndicats CGT, la CGT unitaire de Léon Jouhaud, avant la scission communiste. Michel Angelini, François Ramirez, Pépico Rodriguez, Les frères Lubrano, Josep et Michel, Micho Diaconno pour le Syndicat des gens de mer, les vaillants des vaillants et d'autres, Albert Travet, Kachar, Nahas, Traïda pour les dockers, un magnifique syndicat de lutteurs exemplaires.

Parmi les leaders politiques du Deuxième collège, M.Boukri, 1er adjoint, le plus mesuré des hommes dans les revendications et le plus dévoué des édiles au service de tous ses concitoyens, européens et musulmans.

La communauté juive, très réduite à Arzew, ne comprenait que des amis de toute la population, toutes tendances réunies. Ils avaient nom: Benyamine, Benayoun, Vidal, Khalifa, Choukroun, Bettan, et parmi les meilleurs d'entre eux qui étaient si bons, les Benhamou, dont l'un des fils mourut pour l'Espagne républicaine et les Benichou, Gaston et Zouzou, méritent la mention des meilleurs d'entre eux et d'entre nous. Arzew fut toujours la "Cité de la Fraternité".

Parmi les autres personnalités de la collectivité rendons hommage à MM Bonnet et Danjean, fonctionnaires des finances, Delpy Huissier, Games, Juge, les épiciers Loisel et Joseph Beltra qui auraient pu devenir riches et restèrent pauvres.

Les Arzewiens peuvent être fiers de tous les leurs, de toutes les familles qui choisirent Arzew pour vivre dans la dignité, le dévouement et l'honnêteté.

Nous demandons pardon à tous ceux que nous n'avons pu citer mais qui vivent dans nos cœurs.

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Les habitants 

A propos des diverses populations de notre village, il convient de noter que la communauté musulmane n'était pas majoritairement en nombre à Arzew. Il y aurait même eu une assez importante majorité européenne chez nous. Les deux fractions de la populations, trois si l'on compte la communauté juive, connurent donc des situations peu ou moins conflictuelles qu'ailleurs dans notre beau pays.

Les langues communes étaient le français bien sûr, un peu difficile pourtant pour certains et le valencien, cette langue du Levant espagnol. Pratiquement toutes les communautés parlaient cette langue, d'où une communication facilitée entre tous. Personne n'était complètement isolé de son voisin par une langue incompréhensible. Il convient aussi de rappeler la communauté de métier, la majorité de la population vivant de la mer et par la mer.

 Dans nombre de maisons aussi, le "patio" réunissait les membres de toutes les communautés et les échanges en étaient facilités.

 Les plus isolés en fait étaient les membres de la communauté juive mais non les Benhamou ou les Bénichou qui étaient "nous". Si les liens de travail et la cohabitation dans les cours étaient réels, cela n'empêchait pas les membres de la communauté musulmane de se retirer après la vie commune de travail, partagée en ville ou sur le port, de se retirer dans son douar de la Guetna, pour une vie séparée et particulière. Les femmes musulmanes dans leur éloignement et le mystère de leurs voiles qui ne laissaient apparaître qu'un seul œil, restèrent jusqu'à la fin, dans un monde inaccessible.

Un dernier signe de l'esprit fraternel qui régnait à Arzew, c'est la direction de l'école de la Guetna assurée par MM Thubert et Lili Benyamine. Elie Benyamine répandit chez ses élèves, tous musulmans, les idées de tolérance, de respect mutuel, d'amitié souvent et le sens de la communauté arzewienne.

Avant d'être Musulmans, Juifs, Français, Espagnols, Italiens nous étions Arzewiens, amoureux et fiers de notre village.

C'est ce qui explique sans doute que la tragédie que l'Algérie a vécue et dans les derniers jours de l'histoire française, que seuls payèrent de leur vie, l'employé musulman de chez M.Baudet, le marchand de liqueur Driss, et notre ami François Perlès qui tenait un petit café entre la Pharmacie de Roland Villot et le vieux couvent de nos petites sœurs "Trinitaires". Même ainsi cela fut trop !

Ainsi Arzew put être cité, à la fin de 7 ans de guerre comme le "pays du matin calme", cité qui n'est plus nôtre, nous qui vivons notre diaspora mais de tout notre cœur et de toute notre âme nous avons ressenti l'immense douleur de notreséparation, la perte de notre belle Algérie et de notre village.

Citons pour finir quelques uns des membres de la communauté musulmane qui furent longtemps des amis: l'adjoint municipal Boukri, Abdelkader Saharaoui, les Fodil, les Traïda, les Kachar...Ils font partie de notre peine puisqu'ils ont aimé la France et notre petite ville qui était aussi la leur.


Plan d'Arzew

Dessiné par Pierre Ramognino

 

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